Conscience

Processus

Conscience


Il faut une considérable dose d'inconscience pour s'adonner sans arrière-pensée à quoi que ce soit."
Cioran
Pour travailler cette année j'ai dû faire des va et vient systématiques entre des moments d'oubli de moi où j'essaye de ne pas être trop consciente de ce que je fais, j'ai besoin de me décoller de ce que je suis, pour pouvoir, pour oser faire, si on a tout pensé on a plus besoin de le faire.
Du coup je me pose la question de la particularité du bic. N'importe quel ado utilise le bic, endormi pendant les cours on remplit ses pages de dessin au bic, passif rivé à sa chaise on a l'esprit qui part, le bic n'est pas un choix, il est là au moment où l'esprit part, le bic n'engage pas de responsabilité, il est présent au moment où l'esprit part, ta vie t'attend.
Extrait du blog : Monsieur M2. Mémoires
Après avoir fait, je prends conscience de ce que je viens de faire, pour voir si ça fonctionne, savoir si je veux le développer, si ça représente ce que je cherche à cerner.
Je veux vous donner plusieurs exemples de ce va et vient et du complexe qui l'accompagne. J'aime ces récits, je n'en suis pas le sujet et je laisse l'analyse à un plus barbu que moi qui est une référence en la matière:
Dürer déclare que dans ses rêves il produit des œuvres magnifiques dont le souvenir le quitte dès qu'il se réveille. A une occasion pourtant, en 1525, il devait se souvenir de son rêve, une scène de déluge dans lequel il vit "une immense quantité d'eau se déverser du ciel" et dont le souvenir le laissa "tout tremblant". Le matin, il fit une aquarelle dans laquelle, métonymiquement, dans les traînées liquides de la couleur, se trouvait fixée la trace de ce déluge.

Le caractère inachevé du dessin n'est pas un manque, maisla trace d'une déperdition originelle. Freud, dans le deuxième chapitre de "L'interprétation des rêves", citant cette lettre de Schiller à son ami Körner qui se plaignaitde la faiblesse de sa fécondité littéraire, esquisse une théorie de la création comme processus de déperdition :
" Il me semble que la racine du mal est dans la contrainte que ton intelligence impose à ton imagination. Je ne puis exprimer ma pensée que par une métaphore. C'est un état peu favorable pour l'activité créatrice de l'âme que celui où l'intelligence soumet à un examen sévère, dès qu'elle les aperçoit, les idées qui se pressent en foule. Une idée peut paraître, considérée isolément, sans importance et en l'air, mais elle prendra parfois du poids grâce à celle qui la suit; liée à d'autres, qui ont pu paraître comme elles décolorées, elle formera un ensemble intéressant. L'intelligence ne peut en juger si elle ne les a pas maintenues assez longtemps pour que la liaison apparaisse nettement. Dans un cerveau créateur tout se passe comme si l'intelligence avait retiré la garde qui veille aux portes : les idées se précipitent pèle- mêle et elle ne les passe en revue que quand elles sont une masse compacte. Vous autres critiques, ou quel que soit le nom qu'on vous donne, vous avez honte ou peur des moments de vertige que connaissent tous les vrais créateurs et dont la durée, plus ou moins longue, seule distingue l'artiste du rêveur."

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